Chronologie

Petite présentation générale

Ma première mise en scène date de 1976, ma compagnie, dite La Compagnie, a pu se créer en 1982 grâce à l’appel d’air créé par l’arrivée de la gauche au pouvoir et de Jack Lang au Ministère de la Culture, d’un coup l’argent dédié au spectacle vivant a doublé.

J’ai toujours pensé La Compagnie comme un espace de liberté, de complicité artistique et humaine. Cette pérennité et les moyens financiers, même modestes, qu’elle offrait nous ont permis d’inventer des spectacles qui ne ressemblaient pas à ceux qui existaient déjà, ce qui est le but de tout artiste, comme chacun le sait. Cette structure était infiniment moins lourde à mener qu’une institution, CDN ou Scène nationale, qui nous paraissait obliger à trop de compromissions pour satisfaire tutelles, élus, ou logiques de marché. Nous craignions d’oblitérer l’artistique au profit du directorial. Je n’ai jamais eu la moindre envie de postuler à la direction d’une structure institutionnelle.

Mais le fait de dépendre de ces institutions pour pouvoir jouer  nous a indéniablement obligés à monter plus de classiques que nous ne l’aurions souhaité.  Même si j’adorais ça, moi, les classiques. Mon premier spectacle c’est un classique, et rien ne m’y contraignait. J’ai tout de suite adoré les “classiques pas classiques”, presqu’autant que monter mes propres textes ou des textes d’auteurs contemporains, ou de partir en live avec des spectacles sans texte pré écrit, construits à même le plateau, que l’on qualifierait aujourd’hui de performatifs. En fait j’aimais toutes les manières de faire du théâtre, j’aimais changer de langues, d’époques, de styles, changer tout (sauf les gens pour le faire, et mon inconscient auquel je ne comprenais rien), mais dans la même nécessité artistique : toujours atteindre l’humain, dévoiler le secret caché à double tour. C’est paradoxalement cette nécessité de toucher à l’énigme que nous sommes qui m’a fait faire des spectacles pour les enfants. Les enfants ont l’âme énigmatique, je m’en souviens très bien.

Cette liberté artistique, conférée par le Théâtre public, s’est toujours accompagnée pour nous d’une autre liberté tout aussi impérieuse : aller chercher des spectateurs qui «normalement » ne viendraient pas voir du théâtre comme celui-là, qui ne ressemblait à rien de ce qu’ils connaissaient. Ça aussi c’est un rude boulot, aussi rude que celui du plateau, mais lui directement politique : il s’agissait d’ouvrir nos scènes à toutes les sortes possibles de gens, des gens aussi inattendus que les spectacles eux-mêmes, et qui nous apportaient autant que nous leur apportions.

Petit cheveu sur la langue

La langue d’aujourd’hui utilisée dans ces pages est bâtarde, elle est le signe des contradictions qui nous traversent, en tout cas moi : la délicieuse règle « le masculin l’emporte sur le féminin » m’a toujours fait hurler de rire tant elle signe la prééminence masculine dans nos mœurs. Décidément non, le masculin ne peut plus l’emporter sur le féminin et il est grand temps de palier à l’injustice de genre de la langue française. Mais comment faire ?

Les solutions proposées par l’écriture inclusive ont l’avantage de poser le problème comme incontournable, mais elles présentent à mon sens un inconvénient aussi grave que l’injustice de genre que notre langue impose tranquillement. Elle oblitère le fait qu’une langue ne véhicule pas que du sens, qu’elle est aussi une matière, une vibration qui nous lie les uns aux autres. Les mots sont des paroles qui sonnent, résonnent, à l’intérieur comme à l’extérieur de nous. Ces fonctions orales, quasi musicales, animales aussi, puisqu’on on sait qu’elles sont intra utérines, la voix de la mère entendue par le fœtus modèle déjà l’enfant à venir, sont les fonctions que l’art utilise le plus souvent. Le théâtre est très bien placé pour le savoir, la littérature tout autant : la langue n’est pas qu’informative. L’écriture inclusive rend impossible ce fonctionnement charnel, et ce faisant elle relègue la langue artistique au profit de la rationnelle seulement. Et que sommes-nous sans l’artistique ? Il est aussi vital que la justice, vitale elle-aussi, vis à vis des femmes. 

L’utopie serait d’inventer un neutre. En attendant que tout le monde se dépatouille avec ces contradictions, le seul « hors grammatical » que nous pratiquions ici pour notre plaisir est d’accorder l’adjectif au substantif le plus proche et de mettre volontairement le féminin comme plus proche, on écrit par exemple : « Des auteurs et des autrices contemporaines », ce en quoi nous rejoignons une règle du vieux français avant que la langue ne soit définitivement cadenassée. De même pour autrice qui est un très ancien mot très utilisé jusqu’au XIXème. Outre, pour le plaisir, une multitude de ruses d’écriture permettant au féminin d’apparaître le plus possible à l’égal du masculin. Mais sans brutaliser les lecteurs, tous attachés viscéralement à leur langue maternelle. L’intention est de ne pas générer un effet inverse de masculinisme en allant plus vite que l’acceptable par une majorité. Quant à moi, je personnellement individuellement, j’adorerais que le neutre soit le féminin. Juste pour s’amuser. Mais bon, je crois que ça amuserait peu de monde.

Petite conclusion intime

Pour terminer la présentation de ce voyage je vais y associer Claude, puisque notre théâtre est largement partagé et que c’est elle qui m’y a initié et qui continue à le faire. Évidemment nos redécouvertes en commun de documents que nous n’avions plus consultés depuis les créations nous ont stupéfaits tous les deux. Ah bon !! On pensait déjà ça en 76 ?  Sur l’interprétation ? Sur le monde ? Et sur le rouge des costumes ? Et sur l’alexandrin ? Et sur la figure du Père, du Roi ? Et sur une relecture d’un texte du répertoire pour en dévoiler une vérité cachée ? Et sur un théâtre qui se veut dévoilant une vérité cachée en chacun de nous ?  Ces thèmes, ces esthétiques, ces utopies, qu’à chaque nouveau spectacle nous imaginions réinventer, étaient donc présentes dès le premier fabriqué ensemble, et récurrentes jusqu’aujourd’hui ?  Ça nous a rendues, moi comme elle, plutôt fières, on ne peut pas le cacher, nous sommes aujourd’hui très fières des jeunes gens que nous étions. Mais ça nous a aussi rendues très, très modestes : tout ce travail ensemble pour fabriquer sempiternellement la même chose !!!!

Jean-Michel Rabeux, Janvier 2024

1981

La Fausse Suivante

de Marivaux - Classiques pas classiques

Dans ce monde d’hommes, nous ne sommes pas loin de SADE, la femme n’avance que masquée. Derrière une moustache ou derrière sa “féminité”. En tout cas

Le Malade imaginaire (ou La mort de Molière)

de Molière - Classiques pas classiques

Le Malade imaginaire est la dernière pièce de Molière, celle dont il mourra. Ce n’est pourtant pas l’anecdote prestigieuse qui motive notre sous titre

1979

Ode pour hâter la venue du printemps

de Jean Ristat - Auteurs autrices contemporaines

Le titre du poème de Jean Ristat a un sens précis qui n’est plus perceptible aujourd’hui, qui l’était d’ailleurs peu à l’époque : Faisons la Révolution camarade, balançons le vieux monde aux orties

1978

L’Imitation de Mathieu Bénézet

de Mathieu Bénézet - Auteurs autrices contemporaines

Nous n’avons trouvé aucun document d’époque sur ce spectacle, tout est de tête. Je ne me souviens plus très bien de l’opportunité qui nous a permis de jouer ce texte dans la grande salle du Centre Pompidou

1976

Iphigénie

Racine - Classiques pas classiques

Voici donc une des “mises en jeu” possible de Racine. Sous les feux divers du matérialisme (dont ceux de la rampe ne sont pas des moindres), voici un des éclairages de ce texte à triple, quadruple lames