Un sentiment de vie

Un sentiment de vie

de Claudine Galea

Texte

  • Claudine Galéa (Éditions Espaces34)

Mise en scène

  • Jean-Michel Rabeux

Avec

  • Claude Degliame
  • Nicolas Martel

Lumières

  • Jean-Claude Fonkenel

Régie Lumière

  • Lucien Prunenec

Vidéo et son

  • Jéronimo Roé

Costumes

  • Sophie Hampe

Assistanat à la mise en scène

  • Sophie Rousseau

Production

  • La Compagnie, Théâtre de la Bastille – Paris
  • Avec l’Aide à la création de la Région Île-de-France.

    Un sentiment de vie de Claudine Galea est paru dans la nouvelle collection « Hors cadre » chez Espaces34 le 13 Mai 2021.

Peu de textes contemporains m’importent pour le théâtre, oui, je sais, c’est pas bien, mais ceux qui m’importent m’importent beaucoup. Dès la première lecture Un sentiment de vie m’a extrêmement importé, parce qu’ils est, je crois, de ceux qui inventent leurs auteurs autant qu’ils sont inventés par eux. Il cherche si loin en son autrice qu’il m’y trouve moi aussi, comme un crétin, stupéfait de m’y reconnaître prêt à tuer quiconque veut m’empêcher de tordre le cou à mes destins pré-écrits.

Ce texte d’amour est un texte criminel, « tu pues » dit sa mère à sa fille, petite mort, grande haine. Mais ce texte criminel est un poème d’amour, destiné à, dédié à, son père. La mère est anticolonialiste, progressiste, le père est militaire des guerres coloniales, pied noir, réac, mais il est doux à sa fille et il l’aime. Et sa mère, eh bien, en fait, non. C’est une histoire familiale, toute singulière, toute petite, mais elle s’entremêle si inextricablement à la Grande, la politique, la sociale, l’histoire des guerres, quoi, l’histoire de tous, que tous nous la reconnaissons.

Il faut une langue, une sacrée langue, pour fabriquer ce kaléidoscope. Le texte raconte aussi comment on fait pour écrire, comment c’est un sacré boulot, une perte, il écrit qu’on écrit comme on respire, pour survivre.

Jean-Michel Rabeux, Janvier 2021

Le décor c’est une scène de théâtre, ça tombe bien.

Avec un écran de tulle où se projetteront des images. Les deux protagonistes peuvent se tenir devant, derrière, visibles par transparences, ou bien dissimulés par les images filmées.

Avec un fauteuil XVIIIe, ou peut-être XIXe. Noir. Le plus souvent il accueille le protagoniste masculin, qui, est vêtu d’un costume XVIIIe très marqué.

Avec de la lumière, subtile, pour éclairer le texte, c’est à dire les acteurs, c’est à dire leurs rêves.

La mise en scène c’est les acteurs, ça tombe pas mal non plus.

Un homme est là, qui écoute intensément ou négligemment, silencieusement, sauf quand il chante. Il s’appelle Nicolas Martel, il est acteur, chanteur, danseur. Il est jeune, dans la force de l’âge, comme le père dont parle l’autrice. Il porte un costume XVIIIe, comme Lenz, mais aussi comme le passé, ou comme le théâtre. Où voit-on des costumes XVIIIe mieux que dans les histoires que le théâtre raconte.

Nous sommes au théâtre, c’est à dire que nous sommes là pour le plaisir, et Nicolas joue toutes les cartes des plaisirs de la scène. Il chante (fort bien) du Sinatra évidemment, ou peut-être d’autres choses, peut-être du Bowie, eh oui, costume XVIIIe et Bowie, c’est pas loin. Il danse, il joue de la guitare électrique en chantant, ou pour accompagner l’actrice, la porter, l’emporter, la moquer, l’envoyer en l’air.

Une femme est là aussi, qui elle porte toute la parole de l’autrice, ou bien qui est portée par elle, c’est la même chose. Elle s’appelle Claude Degliame. Si on veut être simple et clair, l’actrice joue l’autrice. Mais cette simplicité ne veut rien dire. L’actrice ne joue aucun personnage, si ce n’est elle-même. Elle se joue elle, au sens où elle se met en jeu. Elle est l’enjeu, la mise de poker posée sur le plateau, pour que les mots la raflent, la pillent, l’épuisent. Parfois c’est elle qui les braque, leur dérobe cette humanité qui fait notre substance à tous, la jette aux spectateurs. Je la vois faire, l’actrice, elle est seule, elle ramasse en elle son intensité, la concentre comme l’athlète avant son saut, elle calcule sa course, l’anticipe, et puis, hop, elle court et s’envole.

C’est ça, ma mise en scène, notre mise en scène. Parce que si c’est surtout moi qui vois, c’est surtout l’acteur qui fait. Ça se fait à trois. A l’origine il y a le verbe, l’auteur, et puis il y a l’acteur, celui qui agit, comme le mot le dit, et enfin, en dernier lieu, le voyant, celui qui voit, moi. On dit metteur en scène, on pourrait dire muse, comme quand on disait l’auteur et sa muse, on peut dire l’acteur et sa muse, la muse c’est moi. Un metteur en scène c’est la muse des acteurs, oui, je sais, c’est peu conforme, mais c’est ce qui s’en rapproche le plus, quant à moi j’en suis sûr. Je parle dans ce cas des acteurs véritables, des créateurs, ceux qui jouent leur peau à chaque spectacle et qui maîtrisent les langues, les techniques infinies de ce qu’on appelle jouer. (Quel mot merveilleux quand on y songe.)

Ps 1 : Autrice, mot d’usage courant du moyen âge à la Renaissance pour désigner une femme de lettre. Il est interdit par l’Académie française à la fin du XVII° siècle. Il vient du latin autrix, il est récurrent chez Saint-Augustin, auctor est son masculin. En français il est le féminin d’auteur, comme actrice est le féminin d’acteur, lectrice celui de lecteur, etc celui d’etc.

Ps 2 : Acteur, mot d’usage courant pour désigner un comédien de sexe masculin. Ex : « Jean-Louis Trintignant est un acteur fantastique. » Son féminin est actrice.

Ps 3 : Acteur, mot d’usage courant pour désigner l’ensemble, ou la fonction, des acteurs, quel que soit leur sexe. Ex : « L’acteur est un être fantasque. » Il n’y a pas de féminin. Le mot actrice utilisée dans ce sens signifierait uniquement les acteurs de sexe féminin.

Ps 4 : L’écriture inclusive étant inutilisable au théâtre je ne l’utilise pas ici.

Jean-Michel Rabeux, janvier 2021

Création
au Théâtre de la Bastille, le 27 septembre 2021

Tournée
Du 07 au 16 avril 2023 au LoKal, à Saint-Denis

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