Onanisme avec troubles nerveux chez deux petites filles (reprise)

de Jean-Michel Rabeux d’après le rapport du Docteur Démétrius Zambaco

Texte

  • Jean-Michel Rabeux, d’après le rapport du Docteur Démétrius Zambaco

Mise en scène

  • Jean-Michel Rabeux

Avec

  • Claude Degliame

Lumières

  • Jean-Claude Fonkenel

Assistanat à la mise en scène

  • Sophie Rousseau

Régie générale

  • Denis Arlot

Coproduction

  • La Compagnie
  • MC93 Bobigny – Maison de la Culture de la Seine-Saint-Denis

Raconter l’irracontable.

J’ai trouvé ce texte par hasard. Un article dans Le Monde en rendait compte. Je l’ai acheté. Je l’ai lu. J’ai jeté le livre à travers la pièce. Pour mettre en scène des textes qui n’ont rien à voir avec le théâtre, il faut une raison forte. J’en avais une : la haine. La tranquillité clinique du Docteur Zambaco, sa certitude presque souriante qui mène aux plus violents sévices, me semble être à peu près le pire de ce qu’à engendré notre culture.

Claude Degliame et moi avons mis deux ans pour trouver comment ce pire pouvait se dérouler devant des spectateurs. En tâtonnant nous avons inventé une sorte de personnage, un fantôme, un ersatz : une des deux petites filles martyrisées qui, des années plus tard, vient raconter cette histoire irracontable. Nous avons inventé une situation : elle parle au public, timidement, délicatement, avec difficulté, comme elle parlerait à un aréopage médical, ou à ses enfants qu’elle n’a pas eu, ou à ses codétenues d’un hôpital psychiatrique, ou à des morts comme elle. Ceci est laissé libre. Elle est tout près des gens, au milieu d’eux, dans la même lumière. La « magie » du théâtre n’est pas utilisée. Ses mots sont ceux du docteur Zambaco. Plus quelques-uns des miens, accolés. Pour permettre à Claude, et aux autres à qui elle parle, de reprendre souffle, de dialoguer avec le texte: on ne dialogue pas avec Zambaco.

Nous avons joué ce spectacle déjà. Et puis Claude n’a pas voulu, ou n’a plus pu. Les cauchemars, les fous rires. Enfin, plus tard, beaucoup plus tard, l’envie – mystérieuse – d’y revenir. Pourquoi ? Pour que ce soit dit. Pour que ça ne sombre pas dans l’oubli. Pour que ça ne recommence pas. Dans son film Shoah Claude Lanzmann interviewe un coiffeur qui raconte l’inimaginable : enfant, il coupait les cheveux de ceux qui allaient être gazés. Soudain l’homme se tait, de douleur il ne peut plus parler, le souffle coupé. Lanzmann lui dit doucement : « Continuez, vous savez qu’il faut continuer à raconter ». Après un temps, très long, terrible, il continue. Claude continue, c’est son métier.

Jean-Michel Rabeux, Octobre 2007

Création
le 7 juillet 1984 au Festival d’Avignon off

Tournée
3e et ultime reprise du 31 mars au 27 avril 2008 à la MC93 – scène nationale de Bobigny