Attendus
Arlequin et Sylvia s’aiment. Mais Le Prince aime Sylvia. Aïe ! Pour la conquérir il décide donc de détruire l’amour entre les deux jeunes gens. Ouïe ! Ça va faire mal.
On peut voir toute l’œuvre de Marivaux comme une réflexion badine et profonde autour des sens paradoxaux du mot aimer. Il dit l’amitié, amoureuse ou pas, il dit le trouble fugitif ou définitif, il dit le conjugal aussi bien que la passion. Il dit le désir, y compris celui de l’abus. Dit-il l’amour ? C’est quoi, l’amour ?
La Double Inconstance m’a toujours paru la pièce la plus cruelle de Marivaux. Mais, comme toujours chez lui, cette cruauté avance très masquée, les apparences sont respectées, la comédie y règne en maîtresse, le happy end est assuré.
Inattendus
On va aller démasquer la cruauté partout où elle se terre, derrière les mots, les conventions sociales, derrière les attendus, une noirceur inattendue, terrible d’être drôle.
Les scènes de vraie comédie ne vont pas à cette pièce, elles sont de l’arlequinade grossière. Elles ne font pas rire. Je les coupe. A leurs places nous inventons des grotesques beaucoup plus contemporains. Je fais comme Marivaux : j’allège. Notre époque est plus brève, elle comprend plus vite. Pas tant de mots ! Mais ceux qui demeurent seront habités par les corps entiers des acteurs, pas seulement par leurs bouches. Foin du blablabla du marivaudage, comme dirait Marivaux.
L’érotisme aussi va se débusquer, puisque la pièce est érotique c’est indéniable. C’est dire qu’elle est tout aussi indéniablement très politique. Il s’agit de l’abus des puissants sur les sans-grades. Ça rappelle quelque chose.
Jean-Michel Rabeux, Novembre 2017
Le décor, imaginé par Noémie Goudal est inspiré des trompes l’œil architecturaux. C’est une déclinaison photographique d’arches labyrinthiques, prison princière, mais prison qui ménage des espaces d’observations pour les Maîtres, voyeurs des effets de leurs manipulations.
Les personnages semblent sortir à l’aube d’une boîte de nuit branchée, mélange de trash, de sexy, de contemporain et de dix-huitième. Les hommes sont fardés autant que les femmes, les mouches percent les peaux, les perruques travestissent hommes et femmes, les corsets corsettent hommes et femmes.
Il s’agit d’acteurs avec un corps sexué, ça paraît une lapalissade, mais en ces temps qui courent c’est une affirmation. Même si leur sexe est parfois très incertain. Dans ce monde que nous campons, avec l’aide de Marivaux, mais aussi de Laclos, de Sade et de notre époque trans-percée de contradictions, le sexe est un travestissement.
C’est la nuit, mais d’été, ça pleure, ça jouit, ça rit, ça crie, c’est plus ou moins ivre, ça chante, c’est méchant, ça tue, ça fait rire, mais c’est pas rigolo. Bref ça craint.
Jean-Michel Rabeux, Novembre 2017
Création
Le 18 janvier 2018 à La rose des vents, scène nationale Lille Métropole / Villeneuve d’Ascq
Tournée
34 représentations dans 6 lieux en 2017-2018 : Le Bateau feu – Dunkerque, La Barcarolle – EPCC spectacle vivant Audomarois, L’Équinoxe – Châteauroux, Théâtre Gérard Philipe – CDN de Saint-Denis,Théâtre des Salins – scène nationale de Martigues
En 2018-2019 : Le Grand T – Nantes, Théâtre Romain Rolland – Villejuif, Le Volcan – Scène nationale du Havre, Théâtre national de Menningen – Allemagne
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