Ça commence par neuf corps allongés au sol, loin, derrière une grille. Chant du rossignol. Un se lève. Tous se lèvent.
Depuis 1000 ans, ils se lèvent, les infernaux pour alimenter la bouche insatiable de la mort. Aux enfers, la mort est en chantier. La gueule ouverte, elle attend. Les corps, ses ombres, travaillent à son assouvissement, se saisissent d’eux-mêmes, se jettent dans une bétonnière qui les engloutit.
Aux enfers même les morts meurent. Ils connaissent leur fin, ils feignent de l’ignorer. Ils jouent à mourir et ils meurent. Ils jouent à vivre et ils meurent. Mais, mais, mais nous sommes aux Enfers Carnaval et ce sont morts de carnaval, avec danses, confettis, fanfares et rock’n’roll, avec boucan, hémoglobine, lady Macbeth, chatouilles, travestissements, peurs et baisers.
Aux enfers quand on disparaît c’est pour ressusciter anges de cabaret, monstres de foire, nouveaux nés extraits du ventre de la mort, et recommence l’éternité. La bétonnière finit par vomir son jus des corps broyés avec ciment. Ce magma sert à couler des statues aux formes humaines. Le temps d’une valse, elles se dressent, inébranlables. Poussière en puissance, leurre d’éternité. Rideau, c’est sous nos pieds.
Jean-Michel Rabeux, 1999
Création
En février 1999 à La Rose des Vents, Scène Nationale de Villeneuve d’Ascq
Tournée
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