Après Phèdre, Racine cesse d’écrire pendant douze ans. Comme Thésée, il réchappe difficilement des Enfers. Il en revient pour n’écrire plus qu’Esther et Athalie. Le génie est rompu.
Le spectacle frôle ce suicide, ce goût désespéré pour l’anéantissement.
Phèdre n’est pas une histoire d’amour, c’est un appel à l’amour, comme on dit un appel d’air. En assistant à ces funestes folies, comment ne pas en espérer l’opposé, l’amour en effet. Mais non, il ne s’agit que de passion, soit de déchirement, d’asservissement, de solitude, d’aveuglement, de plaisir à la douleur, de régression vers le pays de l’enfance, de marche à reculons jusqu’à la naissance, le néant. Phèdre, c’est le pire.
Jean-Michel Rabeux, Décembre 1985
Ne cède pas à la tentation : vouloir à tout prix comprendre (comme prendre dans un cercle) le texte. Ne pas résoudre.
Ne pas réduire, ne pas trouver “une ligne directrice”, un “univers”. Ne pas saisir. Ne pas être intelligent.
S’oublier. Disparaître. Laisser Racine t’envahir. Douter de toi, douter du texte, douter des partenaires. Douter à en vomir. Les nuits laisser les cauchemars te secouer. Ils sont légitimes. Légitimes les réveils brutaux, qui te jettent au cœur du texte. Avec peur.
Chercher Racine, à travers le Temps, chercher sa caresse, ses douleurs. Chercher à pénétrer au cœur du danger qu’a été pour lui l’écriture de Phèdre.
Il cesse d’écrire douze ans. N’écrit plus qu’Esther et Athalie. n’écrit plus. Reconnaître son désespoir, à travers le Temps, le jeter aux visages de tes – de ses – spectateurs.
Jean Racine, t’aimer comme un amant.
Jean-Michel Rabeux, Novembre 1985
Création
Le 9 janvier 1986 à la Maison de la Culture de Bourges
Tournée
Maison des Arts de Créteil, Théâtre National de Strasbourg, Théâtre des Arts de Cergy-Pontoise
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