Éloge de la pornographie

Une part de nos vie est pornographique, n’est-ce pas ?
Tout au moins une part de nos rêves. Cette part nous la dissimulons à presque tous avec soin, quand nous ne la dissimulons pas à nous-même. Et lorsque parfois nous la laissons paraître, elle doit nécessairement prendre la forme du désespoir, du néant. La mort doit y rôder. La pornographie n’est admissible que si elle est inadmissible, et l’auteur le plus inadmissible – Sade – en est du même coup l’étoile. La pornographie n’est acceptable que si elle tue un peu. Elle doit abîmer nos corps et nos âmes, dessécher nos cœurs, sinon qu’elle se taise en nous.

Et tout cela est vrai.

Mais j’ai décidé, de la pornographie de ma vie, ou de mes rêves, de suggérer les plaisirs, non la culpabilité et la macération. En faire l’éloge c’est-à-dire y débusquer des douceurs imprévisibles, des beautés inattendues, des grâces et des ridicules aussi (j’aime beaucoup le ridicule). Rire et jouir en même temps, sourire de la peur d’un désir incongru, et le sourire n’ôte pas la peur délicieuse, tout au plus la secourt-il pour que le désir parvienne à ses fins.

J’ai décidé de vous entraîner en douceur dans ce kaléidoscope franchement incompréhensible pour moi, mais que je fixe depuis l’enfance avec des yeux exorbités par les couleurs qui, dans ce jouet, s’entrechoquent d’une simple torsion du poignet. Comment vraiment rendre hommage à Claude et Jacques sans la grâce de qui ce rêve ne serait rien d’autre qu’une obscène pornographie? Cet aveu difficile de certains de mes secrets ils l’ont fait léger, pour mieux en suggérer la gravité, l’omniprésence et la folie.
Ils l’ont fait pudique.

Voici donc – pour vos plaisirs et les nôtres – cette tragi-comédie érotique. Nous y déployons tous nos charmes pour qu’à votre tour vous puissiez faire l’éloge de la pornographie. La vôtre.

Jean-Michel Rabeux, Novembre 1987